bouddhaS de BâmiyâN

Publié le par Pauline Cornec

                      

Galerie Kamel Mennour

 

Huang Yong Ping

« CAVERNE 2009 »

 

Du 23 octobre au 19 décembre 2009





L'artiste franco-chinois Huang Yong Ping place « Caverne 2009 », entre les murs blancs de la galerie Kamel Mennour à Paris. Le titre de cette installation fait allusion à la fois à l'allégorie ancienne de Platon et à la transposition artistique contemporaine qu'en fait l'artiste. La dualité de l'œuvre ne réside cependant pas que dans son titre. Tout d'abord elle est pour le visiteur un volume immense, un fragment de réalité déplacé dans l'espace vide et impersonnel d'une galerie. Car c'est un rocher auquel  le regard du visiteur se heurte, une imposante masse grise en résine qui occupe la quasi totalité de l'espace. Cette mise en abîme, cette masse informe contenu dans le white cube de la galerie, ne révèle pas de façon immédiate et totale l'œuvre. Pour la découvrir, il faut contourner la forme énigmatique et passer de l'autre coté du mur. C'est ici que l'œuvre se suggère, par une percée, et des gravats au sol. Le visiteur est ainsi invité par un cadre restreint à en découvrir le contenu. Le volume plein et clos devient ouvert, il invite à voir à la dérobée son intérieur dans un rapport intime. Le visiteur devient ainsi un spectateur exclusif, et un voyeur. En effet, cette visibilité restrictive de « voir sans être vu » place tout à chacun dans une position furtive et solitaire.  Ce trou dans le mur peut rappeler une œuvre de Marcel Duchamp: la sculpture-construction, Etant donné 1-La chute d'eau 2-le gaz d'éclairage où le spectateur devait s'approcher de deux trous percés dans une porte de bois.  « C’est le regardeur qui fait le tableau. » déclarait Marcel Duchamp. Ici le spectateur est d'abord transformé en voyeur. Il passe de l'espace blanc et lumineux de la galerie, à la peine ombre de la grotte et découvre les sculptures de bouddhas, de talibans enturbannés, référence à la destruction des bouddhas de Bâmiyân. Au centre tourne un cylindre lumineux, orné de silhouettes de chauve-souris, qui projettent des ombres sur les murs. Ce contraste visuel des deux espaces traduit bien l’opposition de deux mondes. Le spectacle ici, ne s’offre pas ouvertement à tous, il faut le chercher, se pencher et  tenter de le discerner. Comme dans l'allégorie de la caverne de Platon qui décrit l'impossible accès des hommes à la connaissance de la réalité, l'artiste ici inverse le point de vue des mythes et aiguise la frustration du spectateur. Celui-ci n'a qu'un seul point de vue et est seul face à cette vision, une vision dominante, du dessus et il ne peut échanger sur ce qu'il voit. S'emparant des formes et des croyances de l'occident et de l'orient, l'artiste en montre le potentiel de fascination et de violence. Perturbateur néo-dadaïste radical au début des années 80 en Chine, il a entrepris depuis, une puissante remise en cause politique des certitudes. Prenant ici sa source dans un grand récit fondateur de la civilisation occidentale, il en restaure l'efficacité symbolique et donne la possibilité au spectateur d'être acteur de cette réflexion qu'il lui est donné d'épier.

Publié dans artS plastiqueS

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